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Charge mentale

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Charge mentale

Venir à bout de la charge mentale : au-delà du partage des tâches

Cet article a été écrit en mai 2021. Jamais publié 👻, je me suis dit que ce 8 mars 2024 était le bon moment de ressusciter ce blog, dont le dernier article remonte à 2020 ! Shame on me …

« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » Simone de Beauvoir, Le deuxième sexe.

La charge mentale, un mal invisible qui ronge les femmes

Penser à tout, tout le temps et n’importe où. Voici en substance la charge mentale qu’assument de nombreuses femmes. Shiva aux multiples bras, elles veillent à ce que le foyer familial fonctionne. Elles ont toujours une dizaine d’onglets intellectuels ouverts, sans toutefois parvenir à le faire admettre par leur entourage. Pour rétablir l’équilibre et oeuvrer pour lutter contre cette inégalité femme homme, il est indispensable de comprendre en quoi consiste cette surcharge cognitive. Comprendre pour agir.

Qu’est-ce que la charge mentale?

La charge mentale c’est avoir trop d’onglets ouverts en même temps.

Evoquez la charge mentale des femmes et observez ! Les boucliers du phénomène de mode et de la répartition des tâches se lèveront comme un seul homme. Pourtant, quand les deux membres du couple travaillent à rythme égal, la logistique est le plus souvent assumée par les femmes.

Intégrée au Petit Larousse illustré depuis 2020, la vulgarisation du terme charge mentale est récente. Mais le phénomène, lui, ne l’est pas.

Charge mentale des femmes: définition historique

L’inégalité femme homme est une tradition dans notre culture. Pendant longtemps, les femmes ont assumé la logistique du foyer. Leurs conjoints, eux, partaient travailler pour subvenir aux besoins du ménage. Quand elles ont pris des emplois, les hommes n’ont changé ni leur rythme ni leurs habitudes. Il a fallu gérer travail et vie de famille : devinez pour qui était cette surcharge cognitive ? 

Levé de voile sur la répartition des tâches

Nous sommes en 1984. La sociologue Monique Haicault évoque la charge mentale – et plus particulièrement la charge mentale des femmes – pour la première fois. C’est dans le cadre d’une étude sur la répartition des tâches ménagères par sexe qu’apparaît ce concept. Elle la définit comme le « fait de devoir penser simultanément à des choses appartenant à deux mondes séparés physiquement ». Elle met ainsi en lumière ce qui était communément appelé la « double journée » des femmes. 

Vulgarisation de la charge mentale des femmes 

C’est en mai 2017 que l’illustratrice Emma partage sur les réseaux sa BD intitulée Fallait demander

Et là, c’est le buzz ! La vulgarisation en image de cette notion de charge mentale fait écho chez des milliers de lectrices. Soulagement de pouvoir nommer ce sentiment d’épuisement et de frustration. Mise aux nues de la blogueuse qui a permis d’ouvrir le dialogue au sein du couple sur ce sujet épineux. En juin 2021, cette publication qui vulgarise la charge mentale des femmes comptait 23 000 commentaires et 18 000 partages. 

Une surcharge cognitive qu’on ne devine pas

« Il fallait demander  !». Toute la charge mentale des femmes tient dans ces trois mots, trop souvent prononcés par leurs conjoints. Car oui, cette surcharge cognitive est majoritairement réservée aux femmes dans les foyers hétérosexuels. 

Charge mentale des femmes : poison invisible

Assumer la charge mentale d’un foyer, c’est ramer en soute. Œuvrer dans l’ombre et accomplir des tâches invisibles. Il ne s’agit pas de la répartition des tâches, mais de leur anticipation. Et c’est là que réside la difficulté pour donner de la charge mentale une définition claire. 

C’est un ensemble de petits riens anecdotiques. Mais qui, mis bout à bout, pèsent lourd dans le quotidien des femmes. 

La charge mentale des femmes, et plus particulièrement des mères, c’est s’assurer que  (liste non exhausive) : 

  • les enfants aient des vêtements à leur taille, adaptés à la saison et aux activités
  • les emplois du temps de toute la famille soient compatibles
  • le pique-nique soit prêt pour la sortie du lendemain 
  • la machine à laver soit vidée, linge sec dépendu, plié et rangé
  • les enfants aient un mode de garde pendant les congés scolaires
  • les devoirs soient faits, les leçons sues, les cahiers signés
  • la déclaration d’impôts soit faite avant la date butoir

Répartition des tâches et gestion du foyer

Pourquoi se plaindre de la charge mentale alors qu’il suffit de demander pour que les choses soient faites ? Les hommes ne peuvent pas lire dans les pensées ! 

Parce que demander sous-entend : demander de l’aide. Ce qui suggère que la tâche incombe par principe à la femme, et que son mari lui rend service en participant. Ce système la place au poste de responsable en titre du travail domestique, de chef du projet « gestion de la maison ». C’est donc à elle de procéder à la répartition des tâches, en bon administrateur. 

Dans le meilleur des cas, le conjoint checkera tous les points de la liste. Il sera un exécutant modèle, là où l’égalité voudrait qu’il soit acteur du projet. La charge mentale, c’est ce poids de devoir penser, planifier, déléguer. 

L’arbre qui cache la forêt de l’inégalité femme homme

Quand on évoque la charge mentale des femmes, beaucoup s’insurgent. On reproche aux femmes se de plaindre pour des détails quand les droits des femmes ont déjà tellement évolué ! Si elles en souffrent, c’est parce qu’elles le veulent bien. La répartition des tâches a évolué, que demander de plus ? 

Non-reconnaissance de la charge mentale des femmes

La charge mentale, c’est partout.
La charge mentale, c’est tout le temps.

Être seule maîtresse à bord est épuisant. Et l’absence totale de reconnaissance de la charge cognitive génère une intense frustration. Les femmes transportent leur charge mentale au travail, chez le coiffeur, en toute invisibilité.

La surcharge cognitive : l’oubliée du partage

Le poids de la charge mentale des femmes réside dans l’absence quasi totale de reconnaissance. La conscience collective voit les femmes qui demandent l’égalité comme des féministes vindicatives. Et les conjoints incriminés hurlent à l’injustice. 

Prenons un exemple sportif. Le joueur de foot qui marque le but décisif pendant une Coupe du Monde sera porté aux nues. Son nom fera la Une, les enfants s’arracheront son maillot. Mais qui parlera des autres membres de l’équipe? Ceux qui lui auront ménagé un passage jusqu’aux cages ? Ils seront sans aucun doute reconnus par les initiés. Mais aux yeux du grand public, ils seront invisibles dans cette victoire. Alors que c’est la répartition des tâches qui aura permis d’y parvenir.   

Demander la reconnaissance de la charge mentale, ce n’est pas nier ce que font les hommes. C’est simplement revendiquer une répartition équitable de la surcharge cognitive au quotidien.

Sauver les femmes de la charge mentale

Avec le succès de la BD d’Emma, les médias ont fait leurs choux gras de cette « nouvelle » notion. 

On aurait pu y voir une avancée significative, une prise de conscience collective qui aurait mis à mal l’inégalité femme homme… Ou pas ! Les solutions proposées sont quasiment toutes adressées aux femmes. Pour alléger leur charge mentale, on leur suggère : 

  • des conseils pratiques pour mieux s’organiser
  • des stratégies subtiles pour éveiller en douceur la conscience des partenaires 
  • des avantages fiscaux pour externaliser ces tâches 
  • des nouveaux produits révolutionnaires, comme les box de préparation de repas 
  • de lâcher-prise sur tout ce qui n’est pas fait 

A aucun moment on ne propose aux hommes de prendre leur part de cette charge mentale. 

Il reviendrait donc (encore une fois) aux femmes, de faire elles-mêmes le nécessaire. Pour ne plus avoir à … faire le nécessaire ! Ça ressemble fort à un serpent qui se mord la queue, non?… 

Charge mentale au travail et évolution professionnelle

Une étude menée par des économistes américains a démontré comment la charge mentale empêche les femmes de concilier équitablement vie professionnelle et familiale. Et la récente crise sanitaire n’aura pas aidé à combattre l’inégalité femme homme. 

Répartition des tâches et disponibilité des femmes

Être la personne référente du foyer empêche de progresser dans sa carrière. La charge mentale au travail rend les femmes moins disponibles que les hommes. Elles sont moins « fiables » aux yeux d’un employeur. 

Selon un rapport de l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) de 2017, les femmes travaillant à plein temps gèrent 64 % des tâches domestiques et 71 % des tâches parentales. Encore un exemple chiffré de l’inégalité femme homme. 

L’école appelle en priorité les mères pour venir chercher les enfants souffrants. Ce sont aussi elles qui assistent majoritairement aux réunions scolaires. Et ce sont le plus souvent elles qui réduisent leur contrat horaire quand l’organisation familiale  le nécessite. Impossible pour les femmes d’articuler de façon équitable vie professionnelle et charge mentale familiale. 

À partir du 1er juillet 2021, le congé paternité évolue. Les pères pourront désormais bénéficier de 28 jours au lieu de 14. On peut y voir l’amorce d’un changement, un petit pas vers le partage de la surcharge cognitive.

Crise sanitaire, télétravail, charge mentale des femmes

« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise […] pour que les droits des femmes soient remis en question. »

La situation que nous avons traversée depuis mars 2020 aura malheureusement montré à quel point Simone de Beauvoir avait raison. L’inégalité femme homme s’est davantage fait ressentir au cours de cette période compliquée. 

D’après l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), à l’échelle mondiale, les femmes représentent : 

  • 70 % de l’effectif hospitalier
  • 90 % du personnel de caisses des magasins alimentaires
  • 67 % du personnel d’entretien. 

Toutes ces professions qui ont été en première ligne lors de cette épidémie. 

À l’échelle des familles, le confinement et la fermeture des écoles en mars 2020 auront permis dans certains ménages de soulager la charge mentale des mères en rétablissant l’équilibre. Mais l’écart s’est creusé dans les autres foyers. 

D’après une étude menée par l’INED (Institut national d’études démographiques) : 

  • près de la moitié des mères en travail à distance (contre 1/4 des pères) ont passé 4 heures supplémentaires par jour à s’occuper des enfants. 
  •  42 % des femmes en télétravail le faisaient dans une pièce partagée (contre 26 % des hommes).

Télétravail et gestion des enfants : une charge mentale bien trop souvent féminine

Enfin, d’après l’INSEE, 21 % des femmes (contre 12 % des hommes) ont renoncé à leur activité professionnelle pendant le confinement. Que les raisons soient culturelles ou financières, une femme sur 5 a donc dû sacrifier son emploi au profit de sa famille. 

Comment rétablir l’équilibre de la surcharge cognitive ?

Les tâches ménagères ne constituent pas le plus gros de la charge mentale que subissent les femmes. En effet, les hommes en assument une part de plus en plus importante. Il faudrait maintenant insuffler le même élan à la surcharge cognitive.   

Répartition des tâches : premier signe à traiter

Selon l’INSEE : en 2010, les femmes portaient la charge de 64 % des obligations domestiques et 71 % des tâches parentales ; en 1985, ces taux étaient de 69 % et 80 %. 

On constate à regret que l’inégalité femme homme a à peine reculé en 25 ans. 

Selon l’Observatoire des inégalités, les femmes consacrent 3h26 par jour aux affaires ménagères, contre 2h pour les hommes. En 11 ans, ce temps moyen quotidien a baissé de seulement 22 minutes pour les femmes. Celui des hommes n’a augmenté que d’une minute. L’équitable répartition des tâches n’est donc pas encore là… 

Prendre sa part de surcharge cognitive.

Le secret pour venir à bout de la charge mentale, c’est de la partager. Les hommes ne doivent plus se placer en simples exécutants. Ils ne sont pas des enfants et n’ont pas à aider leur femme. Qui n’a pas à leur dire quoi faire. Les femmes ne naissent pas avec des superpouvoirs. Elles n’ont pas de capacité innée pour voir que le frigo doit être rempli, le lave-vaisselle vidé, le linge étendu. 

En tant que moitié masculine du couple hétérosexuel, les hommes sont co-dirigeants de la PME familiale. Voici quelques exemples concrets pour prendre sa part de charge mentale :  

  • S’impliquer dans le suivi médical/scolaire des enfants
  • Regarder autour de soi et faire ce qui est nécessaire sans attendre de consignes.
  • Noter « café » sur la liste des courses quand on finit le paquet. Une pénurie pourrait ruiner n’importe quel équilibre familial 😉.

Cette liste n’a bien sûr rien d’exhaustif. Et elle variera selon les foyers et l’implication de ses membres. Mais vous avez l’idée générale. Faire les choses n’est que la partie visible de l’iceberg. 

Inégalité femme homme : menons le combat ensemble

Pour participer à la lutte contre l’inégalité femme homme, et mettre des mots sur le processus sournois de la charge mentale, n’hésitez pas à partager cet article s’il vous a plu! Sensibiliser, c’est déjà agir !